lundi 29 juin 2015

Les étrangleurs du peuple grec

Il a suffi que Tsipras annonce la tenue d’un referendum permettant aux Grecs de s’exprimer sur les sacrifices exigés en échange d’argent frais pour que les créanciers considèrent les négociations terminées. « Puisque le gouvernement grec ne veut pas signer, l’Europe ne prêtera plus un euro à la Grèce », ont-ils expliqué.

Cette décision est déjà lourde de conséquences : vent de panique bancaire en Grèce, qui a forcé le gouvernement à fermer les banques toute la semaine ; places boursières dans le rouge ; risques d’emballement spéculatif et d’un nouveau chaos financier. Mais si les créanciers ne reviennent pas sur leur décision dans les heures qui viennent, ce sera pire.

La Grèce, qui doit rembourser 1,6 milliard d’euros au FMI le 30 juin au soir, sera poussée à la faillite. Rapidement, elle sera aussi incapable de payer les salaires des fonctionnaires, les retraites et de faire face à ses dépenses intérieures… sauf à créer sa propre monnaie et à sortir de la zone euro.

Les dirigeants européens disent ne pas souhaiter une telle issue. Et tous de jurer qu’ils cherchent un compromis. Mais ils continuent de mettre le couteau sous la gorge du peuple grec.

Et tout cela pourquoi ? Pour payer une dette à laquelle le peuple grec est étranger ! Pour payer une dette qui n’est rien d’autre que le fruit du délire de la finance internationale !

En Grèce, l’endettement s’est envolé avec la crise de 2008, pour les mêmes raisons que dans tous les autres pays : parce qu’il a fallu sauver les banquiers de leurs propres agissements.

Même si la Grèce était l’un des États les plus fragiles de la zone euro, les banques se sont jetées sur les obligations d’État grecques. Mais plus elles doutaient de sa solvabilité, plus elles lui imposaient des taux d’intérêt usuraires, faisant plonger le pays dans la spirale infernale de l’endettement.

C’est un piège bien connu des ménages surendettés ou des collectivités saignées par des prêts toxiques. Au départ, on s’endette pour une petite somme. Comme elle s’avère impossible à payer dans les temps, on réemprunte pour la rembourser à des taux d’intérêt plus élevés et on se retrouve pris dans une spirale infernale où, pour avoir emprunté 10, il faut rembourser 50 ou 100.

Les dirigeants européens rejettent l’échec des négociations sur Tsipras. Michel Sapin, le ministre de l’Économie s’en est pris à la Grèce « qui voudrait de l’argent sans s’engager à réformer » !

Mais combien de plans d’austérité les Grecs ont-ils subis pour que le pays, ruiné par les financiers, soit mis sous perfusion de l’Europe ? Combien de licenciements et de souffrances les travailleurs ont-ils endurés pour payer leur dîme aux financiers ?

Et comme si, dans ces négociations, Tsipras n’avait pas fait son lot de concessions ! Contre ses engagements électoraux, Tsipras avait concédé de nouvelles privatisations, des reculs des droits à la retraite et l’augmentation de la TVA. Quelles concessions ont fait les créanciers ? Aucune.

Ceux-ci expliquent avoir fait une « une offre exceptionnellement généreuse de 15 milliards ». Mais ces 15 milliards seront immédiatement engloutis dans les remboursements, avec intérêts, des prêts du FMI puis de la BCE. La Grèce n’en verra pas un seul euro, mais le jeu d’écriture alourdira la dette grecque de 15 milliards. Et ils appellent ça « aider la Grèce ».

Quant à la façon dont tous les grands démocrates ont assimilé le recours au referendum à un coup de force, elle est édifiante. Dès que le vote permet à la population de s’exprimer sur ce qui l’intéresse concrètement au premier chef, ces Messieurs crient à la provocation. Ce serait pourtant cela la vraie démocratie, et pas ce cirque électoral auquel on nous invite régulièrement et qui consiste à voter pour des gens qui marcheront sur leurs promesses aussitôt élus.

La Grèce n’est pas poussée à la faillite pour 1,6 milliard, ni même pour 5 ou 10. Jamais la Grèce ne pourra payer sa dette, tous les créanciers le savent, mais c’est pour eux une question politique.

À travers la Grèce, les représentants de la bourgeoisie signifient à tous les peuples qu’ils doivent accepter de se saigner pour les financiers. Ils signifient que le paiement des intérêts est au-dessus de tout, au-dessus même de la nécessité de se nourrir, se loger et se soigner.

Au-delà de la Grèce, ces événements montrent qu’il est vain de chercher à raisonner ou à implorer ceux qui sont les chiens de garde du capital. Ils ne cherchent pas à négocier avec les peuples, ils exigent leur soumission totale à la loi du capital. Sauf à les renverser, il n’y aura pas d’issue pour les exploités.